Journal de bord de la première traversée du Plastic Odyssey (Partie 1)
Récit d’un voyage entre Dunkerque et Saint-Nazaire
par Alexandre Dechelotte, CCO et co-fondateur de Plastic Odyssey
Premier jour de l’année 2022, premier voyage pour le navire Plastic Odyssey. Après de nombreux reports, les conditions du départ sont enfin réunies. C’est une nouvelle qui fait du bien à toute l’équipe : voir le navire voguer après de si long mois en chantier rassure et gonfle le moral des troupes ! Cette navigation a une saveur toute particulière car son objectif est d’atteindre le port de Saint-Nazaire le plus tôt possible pour y commencer… son nouveau chantier ! Le dernier. Car après plus d’un an et demi à être rénové entre les mains expertes du chantier naval Damen à Dunkerque, le navire va maintenant subir sa dernière opération : le changement d’un ballast complet dont l’usure a été découverte lors d’une intervention il y a quelques mois. Une zone qui n’avait jamais été visitée en plus de 40 ans de vie de ce navire : une chance que cette faiblesse ait été diagnostiquée avant le grand départ.
Samedi 1er janvier 2022
08h15
À l’heure où une partie de la France se couche, l’équipage dirigé par le Commandant Charbonnier largue les amarres du quai Suez à Dunkerque. Depuis Bordeaux, je suis au téléphone avec le second mécanicien, Ludovic, qui me fait vivre les premières minutes de cette toute première navigation en direct. J’embarquerai dans quelques jours pour prêter main forte à l’équipage sur l’une des traversées mais pour l’heure, je dois me contenter de vivre à distance les avancées de cette petite expédition. À l’autre bout du fil, j’entends le commandant échanger par téléphone avec le directeur technique du navire. Lui aussi a dû passer un nouvel an particulier à se demander si le vent serait assez clément pour enfin laisser partir le navire…
« Tout se déroule pour l’instant selon le plan A ! » annonce le commandant. Après avoir longé le quai sur une bonne distance sans pouvoir s’en éloigner à cause du vent, mais bien protégé par nos nouvelles défenses (merci Fendertex !), le navire traverse le bassin de Freycinet pour rejoindre l’écluse Watier qui sépare le port de la Manche et le protège des marées.
Le capitaine tient à jour le journal de bord du navire dans lequel il note tout événement survenu à bord, les caps, les positions, les vitesses du navire, et la météo. C’est ce précieux rapport de mer qui me permet de retranscrire les éléments précis des étapes de navigation.
09h20
Sortie de l’écluse Watier.
Les 10 nœuds de Sud poussent doucement le navire vers le large. Ses deux petits moteurs de 500 chevaux tournent à plein régime. D’un point de vue technique, cette première sortie en mer va nous permettre de tester et de mieux connaître les limites de nos machines.
09h30
Le navire est en route libre. C’est-à-dire en mer, clair des dernières bouées1 du chenal de sortie du port. Il fait route à 11 noeuds en vitesse surface (vitesse calculée par rapport aux filets d’eau et non au fond).
11h48
Un des moteurs ne se réfrigère pas correctement et surchauffe. Pour diagnostiquer la panne et résoudre ce problème, le navire doit être stoppé. Les ancres sont parées à mouiller pour pouvoir réagir en cas de problème, puis le moteur bâbord est stoppé. Face au courant, par deux fois, le navire recule avant que les moteurs re-démarrés le remettent sur le bon cap.
Le navire est au large de Calais, en eaux claires et en zone de sécurité. Le chef mécanicien, Tristan, et son second, Ludovic, s’affairent tous les deux en machine pour comprendre l’origine du problème de réfrigération. La surchauffe serait dûe à une durite affaiblie qui supporte mal la pression et étrangle le circuit de réfrigération. Il faudra la changer à l’arrivée.
13h50
Les deux moteurs sont à nouveau en service et le navire fait à nouveau route à vitesse limitée pour éviter toute surchauffe
21h30
Nouvel appel du commandant : « Le temps est compté car la marée redescend et nous devons passer les portes de l’entrée du port avant 22h30 »
22h39
Nouvel appel du commandant. La manœuvre s’est bien passée. Ouf ! Une bonne étape réussie ! Je partage avec le reste de l’équipe la nouvelle : tout le monde est soulagé. Une première navigation, c’est des émotions fortes garanties, même à distance !
L’équipage est débarqué et va passer la nuit à terre. Le navire n’étant pas totalement terminé à l’intérieur, un permis de navigation temporaire nous a été délivré sous certaines conditions restrictives, notamment celle de pouvoir loger l’équipage à l’hôtel pour se reposer entre les navigations. Chose faite. Pas de navigation demain, la prochaine étape s’annonce dans deux jours.
Olivier Charbonnier, capitaine du MV Plastic Odyssey
1 Le navire est clair des bouées lorsqu’il les a dépassé et qu’il est dégagé de tout risque qu’elles pourraient représenter.
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