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Tanzanie : faire émerger une filière locale du recyclage

Découvrez les entrepreneurs du recyclage des déchets plastiques qui ont participé au programme de formation à bord du navire à Dar es Salam en Tanzanie.

En Tanzanie, où moins de 4 % des déchets sont recyclés et où l’industrie du recyclage reste largement dominée par des acteurs étrangers, principalement chinois et turcs, le 29ᵉ Onboard Laboratory organisé par Plastic Odyssey a réunis à bord du navire, une douzaine d’entrepreneurs et acteurs engagés dans le traitement des déchets plastiques. Ils ont ensemble, partagé leurs parcours, leurs difficultés et leurs ambitions.

Au-delà des démonstrations techniques et du partage d’expériences internationales, cette session a permis de tisser un réseau local dans un secteur encore fragmenté.

29ᵉ édition de l’OnBoard Laboratory – Dar es Salam, août 2025 : une journée condensée mais intense

L’arrivée du navire à quai a été marquée par des discussions complexes avec les autorités portuaires, obligeant l’équipe à condenser l’ensemble du programme en une seule journée.

Celle-ci a été rythmée par une présentation générale du projet Plastic Odyssey, un tour d’horizon des initiatives de recyclage à travers le monde, la visite de l’atelier embarqué et un atelier pratique de démonstration, au cours duquel les participants ont pu observer la fabrication d’une plaque en plastique recyclé.

Présentation des entrepreneurs et acteurs présents

Abdalah Nyambi – Preyo

Fondée en 2015 à Dar es Salaam par trois jeunes Tanzaniens, Abdallah Nyambi, Soka Wence et Amuli Steward, PREYO est née d’une initiative communautaire, avant de devenir une entreprise reconnue dans le recyclage. Son nom, Plastic Recycling and Youth Empowerment, reflète bien sa double mission : lutter contre la pollution plastique tout en créant des opportunités pour la jeunesse locale.

Aujourd’hui, PREYO valorise plusieurs tonnes de plastiques chaque mois (PEBD, PEHD, PP) et les transforme en granulés recyclés, utilisés comme matière première par des entreprises locales qui cherchent à réduire leur dépendance aux plastiques vierges. L’entreprise emploie directement une dizaine de personnes et fait vivre, par l’achat régulier de déchets, un réseau de plus de 200 collecteurs informels.

Malgré des investissements dans une extrudeuse moderne, PREYO fait face à une difficulté récurrente : la constance de la qualité. Produire des granulés suffisamment homogènes et compétitifs pour séduire les industriels reste un défi technique. C’est précisément pour cela qu’Abdallah a participé à l’Onboard Laboratory : pour échanger avec d’autres entrepreneurs, bénéficier des conseils de l’équipe Plastic Odyssey et trouver des solutions pratiques aux problèmes de process.

Stephen Kangala – Id Fabric

Homme d’affaires expérimenté, Stephen a dirigé deux entreprises prospères dans des domaines très différents : l’aménagement de conteneurs de transport en logements et la revente de tracteurs. En 2019, il repère une opportunité dans la production de decking en composite bois-plastique (WPC).
Il investit dans une ligne d’extrusion achetée en Chine et lance Id Fabric, qui produit aujourd’hui environ 10 tonnes de planches par mois à partir de granulés de PEHD recyclé.

Toujours en quête de diversification, Stephen a tenté de produire des plaques en plastique recyclé, mais sans parvenir à une qualité satisfaisante. L’atelier de démonstration à bord lui a permis de comprendre d’autres approches techniques et d’identifier de nouvelles pistes pour améliorer son procédé.

Laetus Buberwa – Nishati Mix

Ingénieur de formation, Laetus a choisi de se consacrer à une technologie prometteuse : la pyrolyse. Avec Nishati Mix, qu’il lance en 2022, il développe un système capable de transformer les déchets plastiques en gaz de cuisson. Ses prototypes actuels fonctionnent par petits lots, de quelques kilos, mais il ambitionne de concevoir des unités de plus grande capacité, plus sûres et accessibles pour les communautés locales.

La pyrolyse, encore peu maîtrisée en Tanzanie, suscite beaucoup d’intérêt : l’Onboard Lab lui a donné l’occasion d’échanger sur les risques, la viabilité économique et les meilleures pratiques.

David Kazuguri – Waflo

À seulement 7 mois d’existence, Waflo se distingue déjà par son approche innovante. David mise sur la construction d’une chaîne logistique fiable pour l’approvisionnement en plastiques propres et triés.

Son modèle repose sur des stations modulaires, les Waflo Hubs, installées dans les zones résidentielles. Ces hubs achètent directement aux waste pickers et aux camions municipaux, puis trient, agrègent et revendent les plastiques aux recycleurs.

La plateforme numérique développée par Waflo permet d’assurer la traçabilité, l’efficacité et la transparence du système. David voit dans le numérique un moyen d’apporter de la confiance et de la fluidité dans un secteur encore informel et peu structuré.

Abdallah Mnyelema – EcoAct

Fondée en 2014 comme simple centre d’agrégation (MRF), l’entreprise rachetait des déchets aux waste pickers pour les revendre en gros. Avec les bénéfices accumulés, Abdallah a pu investir dans un broyeur, puis, en 2018, dans une extrudeuse de seconde main grâce à un cofinancement de l’IUCN.

Aujourd’hui, EcoAct produit des poteaux et planches en plastique recyclé, principalement vendus au secteur touristique (Zanzibar, Arusha). Mais la dépendance aux commandes saisonnières fragilise le modèle. Abdallah souhaite donc diversifier ses clients, explorer de nouveaux marchés et accroître la résilience de son entreprise.

Ghaamid Abdulbasat – IUCN Tanzanie

Employé de l’antenne locale de l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature), Ghaamid supervise plusieurs projets liés à la collecte et au traitement des déchets plastiques en Tanzanie. Cette organisation internationale, fondée en 1948 et présente dans plus de 160 pays, soutient des initiatives locales pour préserver les écosystèmes et promouvoir une gestion durable des ressources naturelles.

L’Onboard Laboratory lui a permis de rencontrer certains entrepreneurs déjà accompagnés par l’IUCN et d’en découvrir de nouveaux susceptibles de bénéficier de futurs programmes.

Explorateur National Geographic à titre personnel, Ghaamid a trouvé dans Plastic Odyssey une résonance particulière avec son propre parcours : une combinaison d’aventure, d’innovation et d’engagement environnemental.

Andrea Bosio – LVIA, projet Kijani Pemba

Basé sur l’île de Pemba, Andrea est Project Manager pour l’ONG italienne LVIA. Son projet Kijani Pemba vise à renforcer la résilience urbaine à travers une meilleure gestion des déchets. D’ici 2026, un centre de tri doit être mis en place, et Andrea recherche activement des solutions locales pour valoriser le plastique.

Avec une expérience dans divers projets de développement en Afrique, il voit dans l’Onboard Lab un espace unique pour identifier des partenaires techniques et s’inspirer d’initiatives déjà opérationnelles.

Maria Daudi – Arena Recycling Industry’s

L’histoire d’Arena Recycling illustre bien le parcours d’entrepreneurs passionnés. Tout commence en 2019, dans le jardin de Hellena Sailas, l’une des cofondatrices, alors encore technicienne de laboratoire à l’université. Avec son associée Maria et quelques amies, elles expérimentent de manière artisanale la fabrication de pavés en mélangeant sable et plastique fondu dans une simple marmite. Après de nombreux prototypes plus ou moins concluants, les deux jeunes femmes décident en 2021 de se lancer à plein temps dans le projet.

En 2022, elles lèvent leurs premiers fonds pour louer un entrepôt et structurer leur activité. En décembre 2024, grâce à un programme du PNUD, elles obtiennent une extrudeuse fabriquée localement par un ingénieur tanzanien, marquant un tournant décisif dans leur capacité de production.

Aujourd’hui, Arena Recycling emploie près de 20 personnes, avec une majorité de femmes dédiées au tri, et produit environ 50 m² de pavés par jour en mélangeant du sable et majoritairement du PET qu’ils trouvent facilement en grande quantité dans les environs. Grâce à des prix compétitifs par rapport au ciment, l’entreprise cherche à s’imposer comme un acteur crédible du bâtiment durable en Tanzanie. La principale limite reste leur capacité de production, avec une machine encore partiellement adaptée et un process à perfectionner. Maria a été ravie de découvrir à bord des pavés en plastique-sable de qualité ainsi que les vidéos des processus développés par les équipes de Plastic Odyssey à Dakar.

Ayant remporté l’appel à projets de l’IUCN sur la collecte de plastique dans les îles de Pemba et Zanzibar, Maria et son équipe vont devoir transformer leur entreprise et mobiliser toute leur expertise du secteur pour relever ce nouveau défi. Arena Recycling est également en discussion avec des institutions comme l’UNICEF pour des projets de construction à grande échelle, qui constitueront de beaux projets pilotes, permettant à l’entreprise de se tester, de renforcer son expertise et de gagner en légitimité.

Henry Kazula – Tanzania Recyclers Association (TARA)

Créée en 2019, TARA regroupe waste pickers et entreprises de recyclage dans une démarche collective. Henry insiste sur un constat : seuls, les acteurs du secteur restent fragiles et peu audibles, mais unis, ils peuvent peser sur les politiques publiques.

TARA milite pour l’intégration des récupérateurs informels dans l’économie formelle, en s’inspirant de pays où ces pratiques ont fait leurs preuves. L’association se positionne comme un relais entre le terrain, les pouvoirs publics et les bailleurs, pour faire émerger une véritable économie circulaire en Tanzanie.

Christopher Kolimba Mwaiswelo – Libe Green Innovation

Depuis 2018, Libe Green Innovation s’est développé comme un centre de collecte et de prétraitement basé à Dar es Salaam. L’entreprise collecte plusieurs dizaines de tonnes de PET, PEHD et PP chaque mois, qu’elle broie puis revend à des agglomérateurs ou recycleurs.

Bien que l’activité reste modeste en volume, elle répond à un besoin crucial : sécuriser un approvisionnement régulier en plastique trié, condition nécessaire pour la montée en puissance des recycleurs locaux.

Vers un réseau professionel du recyclage en Tanzanie

Cette 29ᵉ édition de l’Onboard Laboratory a confirmé l’importance de fédérer des entrepreneurs encore isolés dans leurs initiatives. Tous partagent la même ambition : développer une filière tanzanienne du recyclage capable de créer de la valeur et des emplois localement, tout en réduisant la dépendance aux acteurs étrangers. Ils ont souligné à plusieurs reprises le manque de connaissances sur le secteur du recyclage en Tanzanie et l’importance, pour un entrepreneur, de pouvoir rencontrer des experts disposant d’une bonne compréhension de l’existant, comme l’équipe de Plastic Odyssey.

Malgré la brièveté de la session, les échanges à bord ont planté les graines d’un réseau professionnel appelé à se renforcer, et ouvert des perspectives concrètes de collaboration technique et économique.

OnBoard Laboratory, notre programme d’incubation à bord du navire pour les entrepreneurs du recyclage

À chaque escale de l’expédition, le navire Plastic Odyssey accueille à bord plusieurs entrepreneurs locaux du recyclage pour échanger et développer des solutions concrètes pour lutter contre la pollution plastique.



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