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Traité mondial sur la pollution plastique à Genève : échec des négociations, accord reporté

Le Traité des Nations Unies sur les plastiques est destiné à devenir le premier accord mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Les négociations se déroulent dans le cadre de réunions du Comité intergouvernemental de négociation qui rassemblent 184 pays. La réunion de Genève en août (INC-5.2) devait constituer le sixième et dernier cycle de négociations.

Le Traité mondial sur la pollution plastique à un tournant

Le Traité des Nations Unies sur les plastiques ambitionnait d’être le premier accord contraignant au monde visant à mettre fin à la pollution plastique. En août, 184 pays se sont réunis à Genève pour ce qui devait être le dernier cycle de négociations. Mais les délégués sont repartis épuisés et sans accord, les divergences sur le niveau d’ambition s’étant révélées impossibles à surmonter.

Au cours des derniers jours de négociation, les discussions se sont prolongés bien au-delà de minuit, les sessions étant reportées d’heure en heure. Il a été impossible de combler le fossé entre ceux qui réclamaient un traité ambitieux avec des objectifs mondiaux adoptant une approche fondée sur le cycle de vie complet et ceux qui souhaitaient des mesures volontaires peu contraignantes axées sur la gestion des déchets. Dans les toutes dernières heures, un projet de texte circulait encore, mentionnant « une approche globale couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques ». Encourageant, certes, mais jugé largement insuffisant par de nombreux pays. Une nouvelle « session finale » (INC-5.3) semble désormais inévitable, avec des travaux intersessions prévus dans les mois à venir.

Le Palais des Nations Unies à Genève, en Suisse.

Pendant ce temps, le plastique continue de se déverser dans l’océan à raison d’environ 20 tonnes par minute. Chaque retard se traduit par un coût immédiat pour les communautés et les écosystèmes.

Plastic Odyssey en première ligne

Notre navire et son équipage se trouvent actuellement en Tanzanie, aux côtés des communautés côtières submergées par les déchets plastiques. Après trois ans passés autour du globe à travailler avec des acteurs locaux porteurs de solutions, nous ouvrons un nouveau chapitre de notre voyage, consacré à la restauration de sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, menacés et difficiles d’accès, comme l’île Henderson l’année dernière. En octobre, nous mettrons le cap sur l’atoll d’Aldabra, aux Seychelles, où environ 500 tonnes de déchets plastiques se sont accumulées. Cette année, nous réaliserons un diagnostic complet du site, avant d’organiser à partir de 2026 des opérations massives de dépollution.

Cleanup de l’île Henderson (Pacifique Sud) par l’équipe de Plastic Odyssey, en février 2024.

Nous ne sommes pas de simples observateurs. Nous avons navigué dans des eaux saturées de débris, menaçant à la fois les écosystèmes et les moyens de subsistance. Nous avons nettoyé des plages qui, en quelques semaines, se sont à nouveau couvertes de déchets. Nous avons collaboré avec des entrepreneurs qui transforment les déchets plastiques en fin de vie, mais qui peinent à suivre le flot incessant de pollution. Nous avons aussi découvert, partout dans le monde, des alternatives viables prêtes à être diffusées et amplifiées.

Comme l’explique Simon Bernard :
« Chaque escale nous montre le même scénario : les communautés et les entrepreneurs accomplissent un travail remarquable pour réduire le plastique. La population est consciente du problème et prête à changer ses habitudes. Les gens veulent des alternatives durables et refusent de vivre dans un environnement pollué, mais ils affrontent une marée de plastique qui ne cesse de déferler. Sans objectifs internationaux pour réduire la production et améliorer la gestion, les solutions locales resteront insuffisantes. »

Formation d’entrepreneurs du recyclage à Dar es Salam, en Tanzanie.

Ces réalités expliquent pourquoi nous estimons qu’un traité doit couvrir l’ensemble du cycle de vie des plastiques. C’est également pour cette raison que nous avons développé une approche holistique pour combattre la pollution plastique : de l’étude du problème pour éclairer la prise de décision, à la restauration des hauts lieux de pollution pour inspirer le changement en partageant des solutions concrètes et des récits inspirants.

De notre expérience à travers le monde, nous savons que des engagements internationaux efficaces doivent s’appuyer sur une approche systémique, comprenant :

  • Réduction : la réduction du plastique à la source est la priorité. Nous soutenons les changements de comportements par l’éducation, mais savons que les évolutions durables nécessitent des réglementations réduisant la production et favorisant les alternatives, faute de quoi toutes les autres solutions resteront insuffisantes.
  • Recyclage : le recyclage est indispensable pour traiter les déchets déjà en circulation. Nos unités locales, low-tech, créent des emplois et réduisent les fuites, en apportant une solution dans les zones dépourvues de systèmes de gestion performants.
  • Restauration : nettoyer ce qui est déjà présent, en particulier dans les zones écologiquement sensibles où le plastique menace la biodiversité. Qu’il s’agisse de récifs coralliens ou d’atolls isolés, des actions ciblées de dépollution et de protection sont essentielles.
  • Recherche : la recherche est le moteur qui permet de développer des alternatives sûres, d’améliorer les solutions de dépollution et de mieux comprendre les impacts du plastique sur les communautés, l’océan et l’environnement.

Nous plaidons pour un traité contraignant et global intégrant ces quatre dimensions, car nous avons constaté les effets néfastes de l’inaction et le potentiel des solutions intégrées.

Pollution plastique d’une rivière sur l’île d’Anjouan, aux Comores.

Ce que le traité sur les plastiques doit contenir

Le traité doit accomplir ce que seuls les gouvernements peuvent faire : fixer des règles contraignantes et mesurables permettant une réduction à grande échelle, tout en soutenant ceux qui construisent déjà des solutions.

  • Contrôles et objectifs de production : s’engager à réduire la production de plastique vierge et à éliminer progressivement les articles à usage unique les plus nocifs. Toute ambition moindre ne ferait que prolonger la crise.
  • Incitations à la réutilisation et aux alternatives sûres : créer un cadre favorable aux systèmes de réemploi et de recharge, soutenir les alternatives prometteuses et leur donner l’appui politique nécessaire pour concurrencer à armes égales le plastique vierge bon marché.
  • Financement et responsabilité : mettre en place des mécanismes financiers efficaces afin que les pays et communautés touchés puissent bâtir des systèmes de gestion des déchets qui préviennent les fuites au lieu de les subir.
  • Soutien aux communautés en première ligne : orienter les ressources vers les zones les plus durement touchées et vers les entrepreneurs locaux qui luttent déjà contre la pollution.
  • Suivi et transparence : améliorer les données, la traçabilité et la transparence sur l’ensemble de la chaîne de valeur du plastique, afin de guider l’action et d’assurer la redevabilité.

Sans ces éléments, le traité ne sera pas à la hauteur. Avec eux, il pourra répondre à l’urgence et à l’ampleur de la crise.

Plonger au cœur du Traité sur les plastiques

Le Traité des Nations Unies sur les plastiques est destiné à devenir le premier accord mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Depuis 2022, les négociations se déroulent dans le cadre de réunions du Comité intergouvernemental de négociation (INC). Ces INC rassemblent 184 pays pour examiner, ligne par ligne, un texte de traité. L’adoption nécessite un consensus, c’est-à-dire l’accord de tous les pays, ce qui rend les avancées lentes et fragiles.

La réunion de Genève en août (INC-5.2) devait constituer le sixième et dernier cycle de négociations. Mais les divergences profondes sur l’ambition, le champ d’application et le financement ont conduit à une impasse. Après de longues journées et encore plus longues nuits, les pays sont repartis sans accord. Une nouvelle session, INC-5.3, est désormais attendue avant la fin de l’année.

Présente sur place, la Dr Hanna Dijkstra rapporte :
« Je suis arrivée pleine d’espoir que Genève aboutirait à un traité finalisé. Au contraire, les discussions se sont effondrées, certains pays défendant des mesures faibles, volontaires et centrées uniquement sur l’aval. Même si les négociations sont à l’arrêt, je sais que des organisations continuent, sur le terrain, à agir chaque jour pour mettre fin à la pollution plastique. »

Négociations du traité mondial sur la pollution plastique à Genève, en août 2025.

Tracer la voie à suivre

Oui, Genève s’est conclue sans accord. Mais plus d’une centaine de pays restent engagés en faveur d’une approche couvrant l’ensemble du cycle de vie. Comme l’a rappelé la directrice exécutive de l’UNEP, Inger Andersen : « Finaliser un traité en deux à trois ans n’a jamais été fait auparavant. » La persévérance, et non le découragement, doit nous guider.

En attendant la prochaine session, Plastic Odyssey, aux côtés d’ONGs locales et de partenaires internationaux, continuera d’agir là où les traités n’avancent pas assez rapidement : sensibilisation et mise en avant d’alternatives durables au plastique, déploiement d’unités de recyclage locales, partage en open-source des connaissances sur la transformation des déchets, restauration d’écosystèmes pollués et intensification de la recherche. Nous continuerons également à partager des données de terrain avec les décideurs afin que la politique suive la réalité, et non l’inverse. Nous construisons le changement sur le terrain, en militant pour des changements systémiques de politique.

Présentation d’alternatives au plastique lors d’un village des associations, à Mayotte.

Un appel à l’action

Mettre fin à la pollution plastique n’oppose pas réduction et recyclage, éducation et nettoyage. Il faut avancer sur tous ces fronts, ensemble. Plastic Odyssey continuera de rechercher, de restaurer et d’inspirer le changement partout dans le monde. Nous avons constaté l’existence de solutions qui réduisent notre dépendance au plastique, et rencontré de nombreuses personnes prêtes à changer leurs comportements et à adopter des alternatives. Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des lois et des objectifs internationaux forts, capables de fixer des standards et de créer l’élan nécessaire pour des changements systémiques et à grande échelle.

Nous avons besoin d’un traité contraignant qui réduise la production, finance les solutions, protège les communautés et la nature.

Chacun a un rôle à jouer pour résoudre la crise plastique, qu’il s’agisse des traités internationaux ou des nettoyages locaux. L’océan, et ceux qui en dépendent, ne peuvent pas attendre.

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