Comment sortir de notre dépendance au plastique ?
Plastic Odyssey parcourt le monde à la recherche de solutions concrètes pour sortir de notre dépendance au plastique. À chaque étape de l’expédition, l’équipe collecte des données sur un objet en plastique particulièrement présent dans le paysage, les raisons de son utilisation et sur les alternatives. L’objectif de cette collecte de données ? Constituer une grande bibliothèque de cas pour répondre à un mystère encore non-résolu : comment faire changer les comportements vis-à-vis du plastique ?
Voici où nous ont mené nos recherches en Tunisie.
Le sac plastique a la peau dure
Comme aucun autre objet en plastique, le sac en plastique a fait l’objet d’interdiction partout dans le monde : 116 mesures ont été promulguées au total. En Tunisie, un décret gouvernemental interdisant le sac plastique a été promulgué en 2016. Il n’a pas réussi à le faire disparaître. 6 ans après l’interdiction, les sachets sont encore présents partout dans le pays. Dans les mains de tous ceux que nous croisons au marché, dans les poubelles qui débordent, le long des routes, dans la nature… En Tunisie, si la loi ne peut rien contre le sac en plastique, quels sont les autres leviers qui existent pour ralentir la course folle des sachets vers la nature et l’Océan ?
À qui profite le sac ?
Au souk de Bizerte, où nous nous rendons tous les deux jours pour faire les approvisionnements du bateau, les denrées sont pourtant toutes dépourvues d’emballage. Les fruits et les légumes sont posés sur de grands tissus. Le riz, les pâtes, la semoule et autres produits secs sont présentés dans de grands sacs en jute. « Nous vivons dans un pays où presque tout est en vrac. Toutes les conditions sont réunies pour que nous puissions faire sans sac en plastique« , nous explique Aida Delpuech, journaliste spécialiste des questions d’environnement. C’est au moment de l’achat que le sac plastique s’invite dans la danse. Cette expérience n’a rien de spécifique à la Tunisie : elle se vit dans presque tous les marchés du monde.
Nous achetons un kilo de mandarines (déjà emballées par Dame Nature, qui leur a donné, rappelons-le, une peau qui les protège naturellement de toute contamination extérieure), qu’on nous met dans un sachet, qu’on double d’un autre sachet, et qu’on nous glisse dans notre cabas, avec le plus grand des sourires. « Les commerçants pensent que c’est un service qu’ils vous rendent. Ici, si on ne vous donne pas de sac, les gens pensent qu’ils ont été mal servis », nous a expliqué Aida.
Ce « service », certains en ont d’ailleurs fait une spécialité. Entre les étales, déambulent des vendeurs de sacs plastiques. Ils s’en accrochent des ribambelles à chaque bras, et les vendent à l’unité aux clients qui en font la demande. Devant notre mine étonnée, un habitant de Bizerte nous explique : « Les sacs en plastique noirs sont interdits maintenant, donc les commerçants donnent essentiellement des sacs bleus ou blancs, mais on peut voir au travers. Ici en Tunisie on aime bien cacher ce qu’on a acheté, alors on achète un sac noir à côté, pour mettre nos courses dedans. Vous imaginez, par exemple, quelqu’un qui n’aurait pas beaucoup d’argent et qui verrait qu’on a acheté des tas de choses ? Ça lui donnerait envie, le pauvre ! Alors on cache. On a toujours fait comme ça. »
Finalement, en Tunisie, le sac en plastique ferait-il le bonheur des habitants ? Hélas non. La Tunisie ne recycle que 4% des déchets plastiques qui s’accumulent sur son territoire, et partout où nous passons, le sac en plastique évoque le même spectre : celui du plastique qui « s’accroche aux arbres ». Ce sont les mêmes commerçants du souk qui, quelques minutes plus tôt, distribuaient des sacs plastiques à tout va, qui nous dépeignent un bien triste tableau : « Les sacs plastiques dans la nature, ici, c’est dramatique, et puis ça n’est pas beau ! Nos jolis paysages, c’est la seule chose que nous avons ici en Tunisie. Nous devons en prendre soin », nous a expliqué un vendeur du souk.
Alors que manque-t-il pour que ce sac honni disparaisse du paysage ?
Des alternatives au goût du jour
Lors de la promulgation du décret d’interdiction du sac en plastique en Tunisie, l’association d’Aida Ben Hassen a été mandatée par le gouvernement pour mener une enquête auprès des habitants sur l’accueil de cette mesure. Aida nous a partagé les conclusions de l’enquête : « Les habitants sont prêts à changer, oui, mais ils demandent des alternatives. » « Et le couffin ? », lui a-t-on répondu naïvement. (Le couffin est un panier tressé en feuilles de palmier typique de l’artisanat tunisien, et qui permet de transporter ses provisions, NDLR.) « Tous les tunisiens ont un couffin à la maison. Mais l’avoir à la maison, ou l’avoir toujours sur soi lorsqu’on fait des courses, ça n’est pas la même chose. Il faut des alternatives qui soient en phase avec les habitudes d’aujourd’hui. Les gens veulent pouvoir faire leurs courses sur un coup de tête en rentrant du travail, ou envoyer leurs enfants aller chercher quelques provisions comme ça, sur l’instant. Avoir toujours le couffin sur soi, ça nécessite une certaine logistique ! »
Penser des alternatives en phase avec les usages, c’est la mission que s’est donnée Malek, que nous avons rencontrée lors de notre escale au Liban. Malek est designer, et elle a décidé de mettre sa matière grise à profit sur un objet banal : le sac en toile. Malek a imaginé un sac à provision en toile qui se plie pour se glisser dans la poche, dont le fond est protégé par une toile en jute pour éviter qu’il ne s’abîme lorsqu’on le pose à terre, avec des compartiments pour que les provisions ne soient pas en contact les unes avec les autres, avec une trousse attachée par un petit fil pour mettre porte-monnaie ou téléphone… Bref, Malek a pensé à tout. Ce travail, elle le fait main dans la main avec les commerçants de son quartier au Liban, pour les associer à la promotion de cet usage auprès des clients.
Une initiative à suivre !
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