Une industrie du recyclage développée
Casablanca, Marrakech, Essaouira… Nous avons profité de cette escale à Tanger pour aller à la rencontre des personnes qui recyclent les déchets plastiques au Maroc. Il s’avère que le secteur du recyclage, qu’il soit effectué de manière formelle ou informelle, est plutôt industrialisé et très concurrentiel. Les solutions low-tech ne sont pas très répandues et un travail reste à mener sur la valorisation des déchets à faible valeur ajoutée comme les sacs et autres plastiques souples dispersés dans la nature. Des actions sont néanmoins mises en place pour améliorer le statut des collecteurs, travailleurs pauvres du pays.
Julien Noyer, recycleur formel de Casablanca
Activité : transformation de films plastiques en granulés
Julien est un français installé depuis plusieurs années à Casablanca. Il a fondé la société Altecplast, une usine de recyclage qui traite les films plastiques issus des décharges. Près de 2,2M d’euros d’investissement ont été nécessaire pour construire cette usine qui transforme de 600 à 1 000 tonnes de déchets brut par mois. Avec 50% de taux de déchets (saleté, eau, etc), Julien produit 300 à 500 tonnes de granulés par mois. Il est reconnu par ses pairs pour produire un granulé de très bonne qualité grâce à un process industriel ingénieux et relativement frugal. Julien est l’un des rares recycleurs formel de la région. Il est en concurrence avec plus de 80 recycleurs informels qui produisent 2 tonnes par jour, bien souvent de mauvaise qualité et sans payer de taxes.
Julien arrive à se démarquer grâce à la qualité de ses produits et sa fiabilité. Sa plus grande difficulté reste l’approvisionnement. Il ne peut pas faire tout le temps confiance aux collecteurs qui sont des indépendants. Quand il pleut par exemple, les trieurs arrêtent de travailler et la ressource plastique se raréfie, le poussant à stopper son usine. Pour pallier ce problème, il est aujourd’hui obligé d’importer des déchets plastiques.
Son autre souci est de limiter son taux de déchet. Son ambition est d’atteindre le « zéro décharge », c’est-à -dire recycler l’intégralité des déchets qu’il reçoit. Pour y arriver, Julien compte sur nos machines pour fabriquer des pavés à partir des déchets à faible valeur et du sable issu du processus de lavage des déchets.
« Rien ne se perd, tout se transforme ! » Il a aussi longtemps travaillé sur la pyrolyse et a prévu d’installer un prototype au fond de son hangar.
Quartier des collecteurs
Activité : collecte et tri des déchets
Grâce à un ancien collecteur, nous avons eu la chance de visiter le quartier des collecteurs de Casablanca. Les collecteurs sont des intermédiaires, sortes de grossistes qui achètent les déchets aux chiffonniers (collecteurs de rue) pour faire un tri plus fin et revendre en gros aux transformateurs. En arrivant nous remarquons que des chiffonniers vivent dans des logements de fortune construits sur les terrains vagues appartenant aux collecteurs. La majorité des chiffonniers viennent des campagnes et n’ont pas les moyens d’habiter en ville. Pour les attirer, les collecteurs les hébergent gratuitement. Ils ont également un service de location d’ânes et de charrettes, véhicule habituel des chiffonniers pour collecter dans les rues. Les chiffonniers peuvent emprunter les ânes en échange ils se chargent de les nourrir.
Très petite unité de transformation
Activité : Transformation de films plastiques en granulés
En poursuivant notre viré dans le quartier industriel non déclaré de Casablanca, nous partons à la rencontre des transformateurs qui succèdent aux collecteurs. Ce quartier est très organisé, le réseau électrique y est bien fourni avec de grandes puissances pour faire fonctionner toutes les machines du quartier. Pourtant, ce quartier n’existe pas sur le cadastre !
Nous tombons sur une des plus petites entreprises de recyclage que nous avons vu. Le portail d’entrée est constitué d’une vieille bâche qui cache un petit local rudimentaire fabriqué à partir de poteaux en bois et de tôles ondulées servant de murs et de toiture. À l’intérieur se trouve un grand tas de films plastiques qui semblent être des films recouvrant les palettes de transport. à gauche de ce tas de matière première, un petit agglomérateur, construit pour moins de 2 000 euros permettant de transformer ces films en morceaux compactes qui seront revendus par la suite.
Ingénierie sociale sur la décharge de Meknès
Étude de cas d’une expérimentation, cette fois d’ingénierie sociale qui a particulièrement bien fonctionnée. L’objectif était de formaliser les centaines de chiffonniers qui travaillent sur la décharge de Meknès.
Nadir, expert en ingénierie sociale a commencé son travail par 3 mois d’étude des relations sociales afin de réaliser un sociogramme qui décrit tous les liens entre les travailleurs et les différentes parties prenantes. Deux principales difficultés ont été soulevées : un problème économique qui a pu être pallié par la formalisation du travail des chiffonniers mais aussi un problème de reconnaissance sociale, les chiffonniers étant mal acceptés dans la société. Ce problème a été résolu grâce à la mise en place par les autorités d’un statut officiel de trieur. Ce type de démarche représente un coût d’environ 1% du budget de la décharge et plusieurs années de mise en place avec un suivi régulier. C’est une innovation !
Mika Lab
Activité : collecte des déchets plastiques sur les plages
Mika contribue à réduire la pollution des océans à travers la collecte et la valorisation de déchets plastiques le long du littoral marocain. Nous les avons rencontré dans le cadre de notre programme d’incubation et avons participé avec eux et l’antenne de Surf Rider locale, à un Beach CleanUp (nettoyage de plage) à Essaouira.
L’entreprise développe actuellement un projet pour transformer les déchets collectés au Maroc en fibres textiles et en mobilier.
Pyrolyse Solaire SMO
Activité : transformation des déchets organiques et plastiques en charbon
À Marrakech, nous avons visité une entreprise qui transforme les déchets organiques tels que les sargasses (des algues qui profilèrent en mer) en charbon grâce à une technologie innovante : la pyrolyse solaire. Elle fonctionne comme les autres systèmes de pyrolyse en décomposant les déchets dans une chambre sans oxygène et en portant la température à des taux élevés et constants. Processus énergivore habituellement, la pyrolyse solaire canalise la puissance des rayons du soleil pour alimenter la machine. Des miroirs concentrent l’énergie du soleil et amènent la chambre aux températures requises. C’est une technique 100% verte car elle ne nécessite pas d’énergie supplémentaire.
Grâce à cette technologie, la société peut transformer 27 tonnes de déchets en 18 tonnes de charbon de bois tous les jours.